J'ai eu la chance de vivre plusieurs immersions dans une communauté rasta qui vit à l'écart de la ville, dans les hauteurs des Blue Mountains en Jamaïque. Au cœur d'une forêt primitive vierge, j'ai découvert un monde vraiment à part, dans un décor spectaculaire, étourdie par le rythme des tambours et des effluves de marijuana. Dans ce petit village vert jaune rouge, les habitants sont unis par une pratique religieuse intense, portent de longues dreadlocks sous leurs turbans et sont affublés d'un joint d'herbe locale à la bouche. Suivez-moi, je vous fais la visite !
Je me suis rendue dans ce lieu peu touristique avec l'excellente agence Latitude Jamaica, lors de deux voyages sur cette île caribéenne qui a tout de paradisiaque.
La communauté Rasta des Blue Mountains
Le terrain des Blue Mountains est si accidenté qu'il a longtemps été le lieu privilégié des peuples oppressés par l’esclavage pour se réfugier et préparer des rébellions.
S'il y a un bien un endroit qui est difficile d'accès, non fréquenté par les touristes et isolé de la ville, c'est bien celui-ci. Ce n'est pas par hasard qu'une communauté rasta est donc venue bâtir son havre de paix ici.
La communauté rasta des Blue Mountains bénéficie d'un environnement naturel exceptionnel. Les montagnes offrent des panoramas spectaculaires et une biodiversité riche. Cette proximité avec la nature renforce les pratiques spirituelles des membres, qui voient dans ces paysages une manifestation de la création divine.
Lorsque nous approchions de la zone supposée de la communauté, une voiture pas comme les autres, m'a confortée dans le fait que nous marchions dans la bonne direction, aucun doute, c'est par là !
La montée jusqu'au village communautaire est franchement raide, elle se fait en empruntant une voie inaccessible par la route. Après une marche intense sous le cagnard, je suis arrivée trempée de sueur, tandis que les gens qui habitent ici y grimpent avec une facilité déconcertante. Sur le sentier qui y conduit, on croise des drapeaux rastas et des photos d'Haile Selassie (empereur d'Ethiopie) qui a été reconnu comme le "Messie Noir".
Je découvre un village coloré de vert, de jaune et de rouge.
Le panorama depuis là haut est magnifique, les plants de ganja poussent un peu partout.
Dans le hameau, de nombreuses terrasses et installations offrent des points de vue sans pareille pour s'adonner à la méditation et à la contemplation de cet environnement de toute beauté !
Visiter "Haile Selassié School of Vision"
Cette communauté rasta est une branche du mouvement Nyabinghi, mais elle possède des croyances et rituels qui lui sont propres.
Haile Selassie I, empereur d'Éthiopie, est vénéré comme le "Messie Noir" et joue un rôle central dans leurs croyances. L'école offre une éducation basée sur les principes rastafariens, combinant enseignements académiques et spirituels.
De nombreuses peintures vives décrivent les origines de leurs croyances. Je vous laisse observer ces représentations étonnantes. Si vous regardez bien, vous verrez des soucoupes volantes autour de l'empereur Haile Selassié. Je dois dire que j'ai été plus qu'étonnée d'entendre les diverses légendes qui résonnent dans ce lieu.
Les habitants de School of Vision suivent un mode de vie communautaire centré sur des valeurs spirituelles et religieuses strictes. La foi rastafarienne guide leur quotidien, mettant l'accent sur la simplicité, la méditation et le respect de la nature.
Les membres cultivent leurs propres aliments, notamment des légumes et des herbes médicinales, et certains plants de ganja, utilisés dans les rituels religieux. Cette autosuffisance est un aspect important de leur mode de vie, reflétant leur indépendance et leur résilience.
Les visiteurs y sont accueillis avec hospitalité, mais doivent respecter les coutumes locales. Le port de certains vêtements, comme le turban pour entrer dans le Tabernacle, est requis.
J'y ai pris des repas (végétariens bien sûr) absolument divins ! Vous pourrez vous y rendre pour le "Sabbat" ou juste pour un déjeuner "Ital", mais aussi pour y passer une ou deux nuits (voire plus), si vous souhaitez découvrir tous les mystères de cette communauté (et ils sont nombreux) !
Jour du Sabbat chez les rastas
Le Sabbat pour les rastas est un jour de culte et de repos qui implique : pas de dépense d'argent, pas de travail mais beaucoup de méditation, de lecture et un jeûne de vendredi minuit à samedi midi. Le sabbat qui a lieu chaque samedi est ainsi célébré chaque semaine sans exception dans cette communauté.
Ma guide a donc bien évidemment pris soin de m'y conduire ce jour là afin que je puisse assister à cette ferveur.
Lorsque les habitants commencent à se diriger vers le lieu de culte, on me coiffe d'un turban pour que je puisse pénétrer dans le Tabernacle (nom des temples du rastafarisme).
Au début, deux jeunes hommes battent le rythme, les gens se rassemblent peu à peu. Puis, quelques minutes plus tard, la ferveur est grande, les tambours, les percussions, chants et danses s'intensifient jusqu'à devenir transcendants. Les enfants, les femmes et les hommes finissent par danser tous ensemble.
L'histoire du rastafarisme, en bref
Pour ceux qui ne connaîtraient pas cette religion, je vous donne quelques pistes.
Le Jamaïcain Marcus Garvey, grand défenseur de la "cause noire" a publié de nombreux manifestes dénonçant le joug colonial et la discrimination raciale post-esclavage. Il est l'initiateur du mouvement "Back to Africa", revendiquant que les africains déportés pendant l'esclavage doivent retourner sur leurs terres. Il faisait souvent référence à l'Ethiopie, pays modèle car unique nation africaine à ne pas avoir subi la colonisation.
En 1927, Marcus Garvey a fait une prophétie auprès du peuple jamaïcain : " Regardez vers l'Afrique : un roi noir sera couronné. Il sera le rédempteur". En 1930, le négus Ras Tafari est couronné empereur d'Ethiopie. Les Jamaïcains voient donc en son personnage le Messie annoncé. Haïlé Sélassié Ier devient alors le "roi des rois, seigneur des seigneurs, lion conquérant de la Tribu de Juda ".
Lors de sa visite officielle en Jamaïque en 1966, Rita Marley affirme avoir vu sur sa main les stigmates du Christ. Bob Marley devient rasta cette même année.
Le rastafarisme se divise en cinq ordres majeurs. Certaines communautés développent un "sous-ordre" qui va puiser dans les différents courants :
l'Ethiopian World Federation incarne l’unité du foyer éthiopien (représentant le peuple noir déporté). Cette institution est issue d’une décision politique prise par Haile Selassie, empereur d’Éthiopie, à l’égard des communautés noires. Elle est liée à la création de la communauté de Shashemene en Ethiopie.
l'Eglise Orthodoxe Éthiopienne, l'une des plus anciennes églises chrétiennes du monde à laquelle se rallient de nombreux rastas.
les 12 tribus d'Israël fait référence aux tribus traditionnelles qui composent le peuple hébreu. Cette organisation créée à Trench Town a des orientations chrétiennes. Cet ordre très lié à la musique possède son propre sound system, le "Jahlovemusic"
l'ordre Nyabinghi provient de traditions d'Afrique de l'Est recourant à des danses et des percussions rituelles. Ce mouvement a été fondé autour de l'image de Muhumusa, femme rebelle anticolonialiste de l'Afrique de l'Est
Les Bobo Shanti est le mouvement fondé par les Emmanuellites, fidèles du Prince Emmanuel
La musique reggae est le fer de lance de cette religion éparpillée entre ces courants, elle unit tous les rastas.
Voyage en Jamaïque
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